C'est encore moi ! Et oui, seconde course en 2 semaine, ça devient de la gourmandise.
Jeu des chaises musicales depuis quelques temps entre désistements de dernière minute et inscriptions. J'ai de la chance, je passe et me retrouve inscrit à la dernière minute pour la course des Rookies, organisée par O3Z.
Ne voulant pas rééditer mon erreur de la course précédente, je commande un train de pneus à la bonne largeur. Pas grand chose à faire sur la moto, je contrôlerai juste que tout aille bien, vérifierai les niveaux. La météo annonce un beau soleil pour samedi, c'est génial.
Je décide pour les qualif d'utiliser un ancien train de pneus, les mêmes que pour la course précédente et de garder le neuf pour la course. Jeudi tout est prêt, les pneus sont montés. Je charge tranquillement.
Arrivé au circuit vendredi, il y a déjà beaucoup de monde. Les essais libres sur lesquels je fais l'impasse vont bon train, les paddocks sont animés, le week-end a déjà bien commencé ! Jean-Pat de la buvette me propose une petite place, je l'accepte volontiers. Je suis idéalement placé. Installation du campement, tour du paddock pour dire bonjour aux amis, contrôles administratif et technique, l'après midi passe vite. Petit briefing des organisateurs et du directeur de course, il est déjà 20 heures. Discutions, papotages, il est temps de dormir, la première séance qualif est à 8h30 !
Il fait froid... Très froid. Autant dire que je n'ai aucun mal à me réveiller. Je branche les couvertures chauffantes, tente de me réchauffer et décide de ne faire qu'un ou deux tours dans cette première séance. Hors de question de vouloir faire un temps, j'aurais toutes les chances de finir par terre. 8h30, la séance démarre. J'enfile mon casque, retire les couvertures chauffantes et démarre. Je ferai effectivement 3 tours au ralenti. Je sors aussitôt, rentre la moto et tente de me réchauffer. Les résultats tombent... 1'16. J'aurais peut-être pu accélérer un peu quand même ! Je m'en amuse bien évidement, le principal est que je sois resté sur mes roues, prêt pour la seconde séance qualif à 11h40.
Le temps passe vite, il est déjà l'heure.
Je me retrouve coincé derrière 2 1000 qui se tirent la bourre. Un coup d’œil derrière, personne. Je coupe, les laisse filer et me prépare pour un tour clair. J'arrive sur le dernier virage du circuit tout seul, ils ont filé. C'est parti, je vais faire mon tour chrono.
Toujours avec mon pneu trop large je m'applique sur les trajectoires. Ca se passe bien, je suis dans un bon tour. La moto est parfaitement saine bien que toujours lourde à mettre sur l'angle, je me sens bien. J'arrive dans la parabolique toujours esseulé, passe parfaitement et aperçois les 2 1000 au loin. J'espère que ça ira ! Virage de Golf parfaitement négocié, les 1000 n'ont plus qu'une demi ligne droite d'avance. L'écart se ressert trop vite !
Tête dans la bulle sur la ligne droite de retour, j'arrive au freinage de Hôtel. Je retarde mon freinage, j'ai rattrapé les 1000. Obligé d'élargir pour repiquer à l'intérieur en sortie. Je suis gêné, je perds du temps, tant pis. Je regarde devant, derrière, il ne sera plus possible de faire un tour rapide. Je sors.
Encore quelques minutes à attendre et les résultats tombent. 1'09'5. C'est mieux, beaucoup mieux ! Ca me convient, c'est un chrono qui reflète ce que je faisais ces derniers temps. Je ne suis pas régulier en '09, mais suis régulièrement sous les '10.
Changement des pneus, je monte mon train neuf pour la course. Contrôles de la machine, toujours impeccable. C'est agréable de ne jamais avoir de soucis mécaniques. Ca me permet d'être serein. Enfin... serein... il faut le dire vite ! Partir en course avec des pneus neufs, ça reste quand même un pari osé que peu ferait ! Mais je suis là pour apprendre, pour découvrir et cela fait bien longtemps que je me méfie des "conseils avisés", même si je les écoute toujours.
Les grilles de départ sont annoncées. Je me cherche, je ne me trouve pas... et puis si, je suis bien là... Finale B, première ligne ! Seconde position !
Mais... Ils sont fous ! Ils n'ont pas vu mon départ de la semaine dernière, ce n'est pas possible !
Et la, je sens la pression monter. Je ne peux pas rater mon départ. Je réalise qu'avec mes pneus neufs en 180, je peux me battre devant. Je réalise que les chronos sont très proches. Je réalise que là, je ne serai pas sur la grille de départ pour m'amuser. Je vais devoir me battre, je vais devoir être à 110%. La pression monte encore. Je ne suis pas bien, livide. Des amis me parlent, je réponds à coté. Tout seul durant ce week-end, je n'ai personne pour m'aider, pour me parler, pour me détendre. L'après midi sera longue, difficile à passer. La course est à 17h35, dans 3 heures. J'essaie de penser à autre chose, je vais voir les autres séries de qualification, je discute, mais ne me souviens de rien. La pression est là, pression due à ma position sur la grille de départ.
Le temps passe difficilement mais fini par passer. Il reste une heure avant la course, je commence à me préparer. Je branche les couvertures chauffantes, m'habille, me désaltère, me concentre. Un quart d'heure, je contrôle mes pressions de pneus, mes freins. Tout est parfait. Appel des concurrents. Livide, je rejoins la pré-grille.
Ca y est, on nous lance pour le tour de formation. Je démarre doucement, conscient qu'il va falloir roder mes pneus en 2 tours et les garder chauds dans le même temps. Je roule sur l'extérieur de la piste, prenant de l'angle très progressivement. Arrivée sur la ligne de départ, mise en place. Je suis devant ! Personne devant moi ! Bon, il y en a donc 30 derrière prêt à me rouler dessus...
Lancement pour le tour de chauffe. Premier virage à gauche, il n'y en a que 2 sur le circuit. Je n'ai donc pas le temps de roder correctement ce coté du pneu, il va falloir que je m'applique. Grand extérieur à nouveau pour rester le plus longtemps possible sur l'angle, en descendant sans à-coups. Ca ira, je pense, j'espère. Je termine le tour en chauffant bien mes pneus.
Je me replace sur la grille. Ce coup ci, c'est le départ !!!
Le drapeau rouge s'écarte, annonçant le départ imminent. Je cale le régime moteur assez haut, les yeux rivés sur le feu ! Vert ! Je démarre. La moto bondit immédiatement, très bon départ !
J'en vois 2 un peu en avance sur moi, très peu. Je me concentre sur le premier virage, souvent le plus difficile à négocier. Je ne vais pas tarder à amorcer ma courbe. Un 1000 profite de sa puissance bien supérieure à la mienne et se faufile dans un trou de souris, sur ma droite. Je ne comprends pas bien comment il pourra faire pour entrer dans ce premier gauche... Et puis il me l'explique...
Il est à ma hauteur, sa roue avant légèrement devant la mienne et balance sa moto dans la courbe... réflexe improbable, je réussis à l'éviter de justesse, me retrouve sur le vibreur intérieur, sur l'angle à donner un coup de frein, ma roue avant à 3 cm de son sélecteur. Ca commence bien, nous avons affaire à un pilote qui s'est trompé de discipline. Prendre de tels risques dans le premier virage est une folie. La course fait 20 tours !
Je réussis à rester sur mes roues. Je n'ai pas eu le temps d'avoir peur, je suis en colère. Je le suis, je me colle dans sa roue, mais sa puissance bien supérieure m'empêche de facilement le passer.
Je ne veux prendre aucun risque en ce début de course. Je suis bien plus rapide que lui, c'est flagrant. Il me sent juste derrière, commet beaucoup d'erreurs. Il roule très mal. Je continue à lui mettre la pression. 2 tours, 3 tours, je m'amuse derrière lui. J'ai vu que je pouvais le passer aisément à peu près n'importe où mais vu sa façon de rouler, je préférais m'attendre au pire et donc ne pas plonger tête baissée.
Je lève la tête, regarde ou sont les 2 motos parties devant. Elles ont pris le large. Plus question d'attendre, il faut y aller. Je me colle encore un peu plus dans la roue du 1000, je lui mets encore plus la pression. Il le sent, se retourne, essaie de voir qui est derrière lui. Erreur ! Il essaie désespérément de garder sa place, commet encore une erreur et là, je n'hésite plus, je plonge. Aucune difficulté pour le passer mais je repars fort de peur qu'il ne retente quelque chose de suicidaire au prochain virage. Ca à l'air d'être bon.
Je peux maintenant me consacrer aux 2 motos qui sont devant. Je ne les vois plus, elles sont loin.
C'est parti, ma course commence enfin. Je prends la mesure de mes pneus, c'est parfait. La moto est vive, réagit parfaitement bien. Elle est facile, presque trop, je n'ai absolument pas besoin de forcer. Je boucle mon 5ième tour, je viens de gagner plus d'une seconde par rapport à mes tours précédents. Je regarde devant, aperçois la moto qui me précède. J'ai fondu sur lui, lui ai repris une bonne seconde en un tour. C'est bon, il ne pourra pas m'échapper, j'ai encore du temps à gagner. 2 tours encore et je serai dans sa roue !
Raté. Un drapeau rouge inopportun interrompra la course, une double chute à l'autre bout du circuit aura raison de mes bonnes résolutions.
Un second départ se prépare donc. Sera retenu le dernier tour bouclé par l'ensemble des concurrents, donc la fin du tour 4. Ouf ! J’avais déjà passé ce 1000, je suis 3. J'aurai donc cette position sur la nouvelle grille de départ.
Tour de formation à nouveau, tour de chauffe à nouveau, mise en place sur la grille à nouveau, mais j'ai perdu une place. Ce n'est pas grave, la course et encore longue... La procédure se met en place, feu rouge, le drapeau rouge s'écarte, plus que 3 ou 4 secondes.
Le moteur gronde, le feu s'éteint, c'est parti ! Je relâche l'embrayage, la moto bondit, jaillit une fois encore ! Je reste concentré, je ne veux personne devant ! La moto est à 100%, je lui en demande encore un peu plus, elle le fait avec plaisir. Le virage approche, je ne vois personne, je me jette dans ce gauche, le passe.
Je suis en tête !!!!!!! Allshot !!!!! C'est énorme, c'est magique !!!!! J'imagine la tête des amis venus me voir. Allez zou ! On efface tout ça. Je suis en course, je suis devant, il est hors de question que je me déconcentre.
Je me sens transcendé. La moto réagit à merveille, j'ai l'esprit libre. Une moto parfaite, personne pour me gêner, un plaisir absolu. Je suis rageur. Personne ne pourra me battre. J'y vais, je donne tout. Retour sur la ligne droite des stands, mes amis sont tous là ! Freinage du dernier virage, je me fais plaisir, le retarde. La moto bouge dans tous les sens, glisse, c'est impressionnant, j'adore ça, je me régale. Je passe la ligne de départ, j'ai de l'avance, plus rien ne pourra m'arrêter...
Et pourtant si... nouveau drapeau rouge... Nouvelle chute. Une très grosse déception m'envahit. De la colère aussi. Colère contre personne bien évidement, mais c'est tellement dommage. 1 tour bouclé, il faut prendre le résultat au tour précédent... Cette course ne sera pas comptabilisée. 3ième départ annoncé. C'est trop. Je ne le sens pas. Je me place sur la grille de départ, fais un geste de la tête à mes amis. Ils comprennent. Je me méfie terriblement. Course annoncée sur 6 tours, 3ième départ, je sens le danger. Concentration maximale.
Feu rouge, départ. Bon départ, sans plus. Une moto vient à mon contact, cherchant à me pousser dans l'herbe. Hors de question que je me laisse faire, je ne coupe pas. Il s'écarte et revient à la charge. Ce que je craignais arrive. Ils sont fous, dangereux, prêt à prendre tous les risques. Je suis en colère, je ne me laisse pas faire. Je plonge à l'intérieur du premier virage, une moto vient à nouveau à la charge, me poussant sur le vibreur intérieur. Je ne coupe toujours pas, mais ai peur. Cette course va mal finir.
Je passe la cuvette, entre dans le pif, virage à droite, encore une moto qui me pousse. Vibreur intérieur à nouveau. Totalement déséquilibré, je manque de chuter. Dans la seconde qui suit, drapeau rouge une fois de plus, encore une chute. Je ne suis pas surpris, je suis même soulagé. Nous n'aurons même pas bouclé le premier tour.
Cette fois c'est fini, la course ne repartira pas. Tant mieux.
Nous quittons la voies des stands. Je suis vidé, totalement incapable de réfléchir. Mécaniquement, je rejoins mon emplacement sur les paddocks, béquille la moto. On m'aide, on me parle, on me félicite, je ne me souviens plus.
Appel au micro, "François Malaussena est attendu au podium". Je ne réagis pas, ne comprends pas. Je ne réalise plus. On me dit "viens", je suis. On me dit "reste là", je ne bouge pas. Le commentateur m'appelle, on me pousse vers le podium. J'y vais. La 3ième place est prise, je prends donc la seconde marche. Que ce passe t'il ? On me tend une coupe, on me félicite. Je ne vois plus rien, ne comprends plus rien.
Je redescends du podium, le commentateur me demande de ne pas m'éloigner. J'obéis. Il me rappelle, je remonte sur le podium, sur la 3ième marche cette fois-ci. On me retend une coupe, on me re félicite. Pourquoi ? Qu'est-je fait ? Je ne sais plus. On m'explique. Je suis arrivé 3ième toutes catégories confondues et second en catégorie 600. Je ne réalise pas, ce n'est pas grave.
Je descends à nouveau du podium, me dirige vers mes amis. Ils sont heureux. Patricia, discrète tout au long du week-end est en larme. Je la prends dans mes bras. Merci.
La suite, il faudra la demander à quelqu'un d'autre. Je me souviendrai juste que je me suis réveillé chez moi, deux jours plus tard. Entre les 2 ? Aucune idée.
Ces podiums, je les dois à 2 personnes, je leur dédie. Ma p'tite femme déjà. Elle n'a pas pu venir mais a été présente, toujours là. Elle m'a motivé, cachait ses peurs, ses angoisses afin que je puisse avoir l'esprit libre. Patricia ensuite. Patricia qui m'a poussé à reprendre la moto, qui m'a poussé à faire des courses de vitesse. Patricia qui a toujours cru en moi, qui m'a aidé, qui m'a apporté énormément. Merci Alicia, merci Patricia. Sans vous, rien de cela ne serait arrivé.
Encore une Patricia, décidément, qui est venu me voir sans me prévenir, qui est arrivée à un moment difficile et m'a permis de me détendre un peu avant le départ. Merci à toi.
Merci à Tam et Stéphane, déjà présent la semaine dernière pour vos encouragements, pour votre présence. Merci à Guy, Jean-Pat, Mélina, JP, merci à tous pour avoir été présents.
Merci également à Thomas, du magasin BigStore à Corbeil-Essonnes, pour m'avoir commandé un train de pneus par téléphone, sans même savoir à qui il avait affaire. Ces pneus sont fantastiques et m'ont permis de m'exprimer sereinement.
Merci à toi Alicia, merci à toi Patricia, merci à vous tous.