Il y a des jours, surtout lorsqu'il s'agit d'un jour normal, classique, un jour comme il y en a 6 autres dans la semaine, où tout dérape. Ce jour là était un dimanche, j'étais parti au circuit Carole rouler un petit peu et voir des amis... Quelques heures après, je me retrouvais inscrit à l'insu de mon plein grès aux 2 courses de vitesse de la Carole Unlimited, courses en faveur de l'association Grégory Lemarchal pour la lutte contre la mucoviscidose qui avait lieu le week-end suivant.
Remarquez, dans l'ensemble j'étais prêt. Je n'avais qu'à préparer la moto, le pilote, l'équipement. Tout le reste était OK... Curieusement j'étais serein, j'avais ma 'tite femme et ma Patricia à mes cotés, je ne risquais rien.
Démontage complet de la moto le lundi, commande de pièces et récupération de pneus le mardi, contrôles, vidanges et freinage de la visserie le mercredi, remontage de la moto le jeudi, chargement du bazar le jeudi soir, départ sur le circuit le vendredi matin. Vendredi après midi les pièces arrivent, re démontage de la moto... Tout se passe bien et je peux enfin passer les contrôles administratif et technique sans encombre. Je suis prêt !
Le briefing se passe comme tous les briefings, on récupère les transpondeurs et zou, au dodo.
Samedi. Première séance qualif à 9h00 ! Même pas je savais que ça existait ça comme heure ! Je programme le réveil à 5h30, il ne me croyait pas. J'ai cru qu'il n'allait pas sonner ! J'arrive sur les paddock à 7h30, prend un premier café pendant que le second coule déjà. La première séance qualif est dans une heure, je commence à me préparer, branche les couvertures chauffantes. Le temps passe très vite ! 8h45, contrôle de la pression des pneus. Il fait froid, j'hésite un peu puis sur gonfle légèrement. 8h55, j'enfile le casque, les gants. 9h00. Je retire les couvertures et file pour 20 minutes. En fait de 20 minutes, je décide d'assurer et de ne faire que quelques tours pour contrôler que tout va bien sur la moto. Je n'ai pas encore roulé avec alors que quelques jours plutôt elle était complètement démontée. Je n'arrive pas à grand chose mais suis content, la moto se comporte plutôt bien. J'ai du mal mais ne me focalise pas dessus, trop de paramètres parasites font que cela n'a rien d'étonnant. J'écourte donc ma séance ne voulant surtout pas risquer une chute idiote et ne fais que 7 tours. 1'10, je reste content. Content parce que sans forcer, je suis dans mes chronos "classiques". J'ai depuis longtemps beaucoup de mal à descendre en dessous.
Seconde séance qualif. Il fait beau, il fait bon. Rituel de la séance qualif maintenant connu, je me prépare et file prendre le départ d'une séance plus agréable. Mes nouvelles bottes me gênent. Après avoir remonté légèrement le sélecteur, j'arrive maintenant à monter les vitesses, mais n'ai toujours aucune sensation aux pieds. Je ne sens pas les cale-pied, je ne sens pas le sélecteur. Impossible de prendre mes appuis correctement et incapable d'être sur d'avoir tombé le bon nombre de rapports en entrée de courbe. Mon pneu arrière trop large alourdit considérablement la moto, il m'est impossible de me jeter dans les courbes. Ce n'est pas grave. Je suis là pour apprendre et me faire plaisir, le reste n'est donc que futilités et excuses et je préfère m'amuser avec ce que j'ai plutôt que regretter ce que je n'ai pas. J'écourte à nouveau ma séance pour économiser mes pneus qui serviront également pour la première des deux courses. Le verdict tombe : 1'09 ce qui me place loin... 19ème. Très bien. N'ayant jamais fait de départ de ma vie, je préfère être à l'arrière, sait-on jamais ce dont je suis capable.
L'après midi se passera entre papotages, contrôles sur la moto, papotages, vérifications sur la moto, papotages...
17h45, il est l'heure ! Ma première course de vitesse ! Un seul but, un seul objectif, finir la course ! Et accessoirement essayer de finir dernier. N'étant pas d'une nature à beaucoup tomber, je pars sans stress, confiant.
La suite, c'est comme à la télé lorsqu'on regarde nos idoles les yeux ébahis d'admiration et d'envie. Tour de formation, mise en place sur la grille de départ, umbrella girls, photographes. Evacuation de la piste, départ pour 2 tours de chauffe. Remise en place sur la grille et... départ !!!
Là, mon départ, il va falloir que je vous raconte. Enfin... que j'essaie de vous raconter. Pour bien faire, il faut la voix, les yeux, les gestes ; Il faut le vivre !!!
La théorie, je la connais. Mais la pratique, ce n'est pas pareil... Lionel, le directeur de course s'écarte, les moteurs se mettent à ronfler. J'en fais de même. Je regarde alors le compte-tours pour essayer de me caler à 8-9000 trs. OK. Je lève les yeux vers le feu...
Ben ? Sont tous partis !
Je lâche l'embrayage...
Oh ! Des avions dans le ciel, comme c'est joli.
A oui mais là, ce n'est pas bon ! Je reprends un peu d'embrayage, je repose ma roue avant, relâche à nouveau l'embrayage...
Tiens, encore des avions dans le ciel !
Je reprends, je repose, je relâche, c'est bon ! Je suis parti ! Je regarde devant moi...
Ben ? Ils sont où tous ?
Il va peut-être falloir accélérer un peu parce qu'ils ne m'ont pas attendu... Ils étaient tous en train de batailler dans le premier gauche que je démarrais à peine. Je passe ce gauche sans encombre... et pour cause j'étais tout seul et rattrape le troupeau dans la cuvette. Il y en avait à gauche, à droite... je suis donc passé au milieu. Et hop, 3 derrière. Ensuite, rien de particulier, tout se passe bien. Les pneus commencent à fatiguer et se mettent donc à glisser. Ce n'est pas grave. Je fais attention bien sur mais supporte parfaitement ces petites glisses. Je me bats toujours par contre avec mes bottes qui ne me procurent aucune sensation et le poids de la machine du fait du mauvais choix de pneu à l'arrière. Du coups les bras fatiguent vite. Je sers les dents, ça ira. 21 tours, ce n'est pas insurmontable quand même ! Dans les derniers tours l'arrière commence vraiment à glisser. Je m'en amuse, vais jusqu'à les provoquer pour le plaisir des spectateurs. Le drapeau à damier, ouf, il était temps. Je suis heureux, content même si tout n'était pas parfait.
Par contre, je n'aurai pas réussi à être dernier... Cette place vaut cher on dirait, tout le monde la voulait ! Tant pis, ce sera pour une prochaine fois... Je finis 16. 3 places de gagnées par rapport aux qualifs.
Ensuite, beaucoup de rires. Non, pas les miens mais ceux des amis à qui je racontais mon départ ! Les voyous, ils se moquaient de moi...
Fatigué, heureux, déboussolé, enivré. Je me détends, savoure, apprécie. Je suis présent et pourtant si loin de tout, quelque part encore sur la piste, sur un petit nuage. Je fonctionne mécaniquement, sans trop savoir ce que je fais.
Je prends la décision de changer mes roues pour être tranquille le lendemain. Je le fais au ralenti, tranquillement. Je finis de remonter à la lueur de mon téléphone, je vérifierai demain ! Ensuite, je ne sais plus trop.
Dimanche. La course est à 14h15, je ne suis pas pressé. J'arrive sur le circuit à 10h30. Tout de suite, je contrôle la moto. Tout va bien. Je prépare les couvertures chauffantes, mon équipement et me détends. Curieusement, je sens la pression monter. Alors que la veille j'étais parfaitement détendu, j'ai une petite boule qui fait son apparition dans l'estomac. Je ne m'en offusque pas et décide que je ne vivrai pas avec, c'est elle qui devra me supporter. Non mais !
1 heure du départ, je branche les couvertures chauffantes et reçoit un petit massage pour me détendre et assouplir les bras et les épaules. C'est très agréable. Je me prépare, je décide de reprendre mes anciennes bottes, il est déjà l'heure. Quelques éclats de rire pour détendre "Que comptes-tu faire pour ce départ ? Le allshot voyons !" Et zou, mise en place.
Tour de formation, un seul tour de chauffe aujourd'hui. Il fait beau et chaud, ça ne posera aucun soucis.
Je m'aperçois alors que le virage au fond du circuit, Golf, et recouvert de poudre d'absorption. Il y en a partout, en pleine traj sur les freins. C'est idéal pour motiver... Bon, ce sera pour tout le monde pareil donc je ne vais pas commencer à rouspéter, hein !
Le directeur de course s'écarte, je mets des gaz, je regarde le feu encore rouge, il s'éteint, je lâche l'embrayage, je sens la roue avant délester, je suis parti !
C'est quand même plus sympa d'arriver en paquet version puzzle au premier virage ! Oh l'aut'e hé ! Il veut me faire l'inter ! Nan mais oh, je ne suis pas d'accord moi ! Je reste sagement à l'extérieur, ne me laisse pas faire et finalement garderai ma place.
Arrivé au pif paf, ils sont tous en troupeau. Je ne vais quand même pas freiner pour si peu ! Je me décale, fait l'exter à James et Jean-Pat et me retrouve cata, mais cata dans le paf... James repassera alors. Parabolique, ligne droite, Jean Pat repassera. Je le suis mais il tourne plus vite que moi et à un plus gros moteur. Je sais très bien que je ne pourrai rien faire, surtout en début de course. J'essaie de m'accrocher et le suis plusieurs tours.
Je lutte toujours avec un pneu arrière trop large qui empêche de jeter la moto en courbe mais j'ai retrouvé toutes mes sensations aux pieds. Je me fais vraiment plaisir, je me lâche. Je ne me trompe plus dans mes rapports en entrée de courbe, je suis donc bien plus serein et peux de ce fait retarder un peu mes freinages. Je n'ai plus besoin de cette marge de sécurité, plus que nécessaire la veille.
Du coin de l’œil, je vois Patricia me confirmer cela, en faisant de grands signes convenus pour m'annoncer que mes chronos descendaient.
J'accélère encore un peu, je suis bien. Mince James est tombé. Il est debout, la moto est redressée, ça va. Tiens, Jean-Pat au loin, je le rattrape ! Ca va être dur, n'arrivant absolument pas à prendre mes courbes correctement, mais je l'ai en ligne de mire. Il ne peut plus m'échapper maintenant !
Effectivement, je retarde encore un peu mes freinages, ouvre un peu plus en sortie de courbe et en l'espace de 2 tours, j'arrive dans sa roue. Hôtel, le dernier virage avant la ligne droite des stands, nous rattrapons un attardé. Nous passons, ma roue avant se porte à la hauteur de sa moto. Alpha, je plonge à l'intérieur et, au même moment, je le vois s'écarter... Les commissaires lui ont présenté le drapeau bleu pour lui signaler ma présence, il a cru que les premiers étaient dans son dos et s'écartait pour ne pas les gêner. Dommage, je suis déçu pour lui qu'il n'ait pas pu défendre sa place. Je file, drapeau à damier, fin de la course... Je crois que je suis heureux, je ne sais plus. Je me renseigne vite sur la chute de James. Il n'a rien, la moto non plus, ouf ! Patricia arrive, je la vois contente et souriante. Pleins de tours en '08, pleins de tours en '09 et un meilleur temps à la télé en 1'08"01. Je n'en reviens pas. Je finirai 13ème et 5 en catégorie 600.
Après, je ne sais plus. Tout est retourné dans ma tête. Je passerai le reste de la journée à discuter, à me souvenir, à essayer de retrouver mes esprits. Ah si, je suis inscrit pour la course O3Z la semaine prochaine.
En tout cas, je tiens à remercier gros comme ça ma Patricia qui a été exceptionnelle tout le week-end. Grâce à elle, ce fut magique.
Magique également grâce à ma 'tite femme qui m'a permis de vivre ce week-end et m'a supporté, m'a motivé malgré qu'elle n'ait pas pu venir.
Un merci gros comme ça également à Jean Pat et Mélina de la buvette qui sont d'une gentillesse rare, à Stéphane, Tam, Alban, Chloé, Catherine et Jean Claude pour être venu me voir, m'aider, me soutenir et un 'ros coucou à tous les pitres du forum des Transformistes pour m'avoir taquiné une bonne partie du week-end.
Une pensée particulière également aux commissaires de piste qui ont du nous supporter tout le week-end et bien évidemment une pensée à Grégory Lemarchal.